lundi 26 mars 2012

Deuxième séance, second exercice : le trajet à toute vitesse

Il s'agit cette fois de refaire le même parcours, sans obstacle particulier, mais à toute vitesse : comment suggérer la rapidité, la ville qui change d'aspect, ce que l'on voit, ce que l'on ne voit plus ?

Voici les réponses des participants à l'atelier :

Baworn

Je prends le train et je vois tout en noir car je me suis endormi sur le chemin, je me réveille en arrivant, et je me dis je suis déjà arrivé.

Ali : 

Je prends le bus puis je dors dedans, c’est souvent le plus rapide pour venir à l’école car je ne vois pas le temps passer, c’est comme si ça avait pris un dixième de seconde.

Najwa

Je monte dans le train, je vois très rapidement la Seine avec l’île-Saint-Denis. Je suis arrivée.

Corentin

Ce matin, je me suis réveillé en retard, du coup pas le choix, il me faut prendre le vélo. J’enfourche ma bécane et j’avance à toute allure en direction du lycée.
Entre deux coups de pédale, je tourne la tête en direction de l’éboueur que je croise chaque matin, il me présente ses salutations d’un hochement de tête.
Mon retard est tellement grand qu’il me faut pédaler plus vite. Puis je rencontre un feu rouge, plus préoccupé par le temps que la sécurité, je le grille. Puis j’arrive au lycée essoufflé.

Kévin

Je monte dans le jet privé du président Book et je suis au lycée.

Le trajet avec obstacles de Kevin

Cette nuit, je me suis endormi à 5h20. Maintenant il est 6h40, mon bus est à 6h45, mes affaires ne sont pas prêtes, je m’habille vite, je pars, je cours, mon bus vient de passer, je le vois encore, je suis dégoûté, le prochain bus est dans dix minutes, il arrive, je monte dedans, il ne veut pas avancer, le moteur s’éteint, il fait trop froid, -10°, le chauffeur nous dit de descendre, il faut attendre dix minutes. Bien sûr il est en retard de cinq minutes, enfin il arrive, je monte, il part, il se paie tous les feux rouges, les voitures ne roulent pas, je suis fatigué et il n’y a aucune place assise, tout le monde crie car ils vont tous être en retard. Le bus roule lentement, à chaque arrêt il y a plus de monde qui monte, le chauffeur met de plus en plus de temps à fermer les portes. Nous sommes serrés, le conducteur conduit mal, le bus est bloqué pendant vingt minutes à cause d’un accident, il redémarre. Il est à deux minutes du terminus où je dois prendre mon autre bus, je vois l’autre bus partir, enfin mon bus arrive avec au moins 35 minutes de retard et je n’en peux plus, mais ce n’est pas fini, mon autre bus arrive dans 30 minutes, il fait froid. Mon bus arrive à l’heure, il roule bien, j’arrive deux heures en retard au lycée, j’ai loupé mes deux premières heures de cours, il me reste encore trois heures de cours avec le même prof, je vois les gens de ma classe sortir du lycée, ils me disent que le prof n’est pas là, je suis désespéré, je m’écroule.
Bref, je n’ai pas de chance.

Le trajet inhabituel de Corentin

7h50 : réveil difficile, il est temps pour moi de partir au lycée. Cependant, le réveil a été plus difficile que d’habitude. A moitié endormi, il est temps pour moi de passer le seuil de ma porte pour retrouver celui du lycée.
Ce matin-là, mon trajet ne se déroule pas comme les autres. Effectivement, je croise une vieille connaissance au détour d’un boulevard. Tout aussi en retard que moi, nous ne nous attardons pas. Puis il vient une tête familière, celle d’un éboueur que je croise tous les matins au même endroit.

Le trajet avec obstacles de Najwa

Je me réveille le matin, fatiguée. Je m’habille rapidement puis j’appelle l’ascenseur qui est presque tout le temps en panne.

Le trajet avec obstacles de Baworn

Il est lundi, après le week-end fatigant, je me réveille à cause d’un cauchemar et puis je regarde mon réveil et je me dis « Non, je me suis réveillé en retard ! » Et je regarde mon portable, et je dis « C’est vrai que le réveil n’est pas à l’heure ». Je prends une douche et comme d’habitude je n’ai pas le temps de manger. Et je sors de chez moi et voilà que je vois la pluie tomber. Je regarde vers l’arrêt de bus et je vois le bus en train de partir. Je me décide à courir jusqu’à la gare même si je suis fatigué et là je vois le train qui est en retard. Je monte pour attendre le train et le pire est là : « Votre attention s’il vous plaît, le train à destination de la gare Saint-Lazare est supprimé », dit l’accueil. Tout à coup je me dis que je n’aurais pas dû courir, et je m’énerve à cause du train et de la température. Donc j’attends le deuxième train et il est en retard. Enfin j’ai mon train, j’arrive avec dix minutes de retard à Val de Fontenay et je cours pour prendre le bus, le 122, et je le rate de peu encore une fois. J’attends le bus dehors avec le temps pourri. Enfin je suis dans le bus et je vois qu’il y a les bouchons et je me dis c’est fini, je suis en retard. Le bus m’arrête devant le lycée, je mets deux minutes à descendre du bus parce que le bus est blindé. Et je fais un sprint pour aller au lycée, et voilà qu’un ami me dit que le professeur n’est pas là, et voilà tout est noir autour de moi et je me dis que j’ai galéré pour rien et donc je rentre chez moi. Mais avant de rentrer, je me dis vu que je suis là, je vais prendre un café, c’est mieux que rien, et après je rentre chez moi. Bref le café n’est pas bon.

Deuxième séance : premier exercice, trajet avec obstacles




Comment décrire autrement son trajet quotidien ? En s'intéressant, par exemple, à ce qui pourrait faire obstacle, ralentir l'allure, obliger à la bifurcation : une grève, une entrave à la circulation, une panne d'oreiller, une distraction, le refus de se rendre, brusquement, à l'endroit donné... Pour éclairer autrement ce trajet, lui donner un relief nouveau, fiction, souvenirs, plongée dans le fantastique : tout est envisageable.

Lors de cette deuxième séance, en guise d'introduction, j'ai choisi d'évoquer le début du Ventre de Paris d'Emile Zola. Nous suivons, dans le quartier des Halles, le périple de Florent, bagnard évadé qui revient incognito à Paris et voudrait retrouver son frère, charcutier.

Voici l'extrait lu lors de l'atelier : 

Il n’eut plus qu’une pensée, qu’un besoin, s’éloigner des Halles. Il attendrait, il chercherait encore, plus tard, quand le carreau serait libre. Les trois rues du carrefour, la rue Montmartre, la rue Montorgueil, la rue Turbigo, l’inquiétèrent : elles étaient encombrées de voitures de toutes sortes ; des légumes couvraient les trottoirs. Alors, il alla devant lui, jusqu’à la rue Pierre-Lescot, où le marché au cresson et le marché aux pommes de terre lui parurent infranchissables. Il préféra suivre la rue Rambuteau. Mais, au boulevard Sébastopol, il se heurta contre un tel embarras de tapissières, de charrettes, de chars à bancs, qu’il revint prendre la rue Saint-Denis. Là, il rentra dans les légumes. Aux deux bords, les marchands forains venaient d’installer leurs étalages, des planches posées sur de hauts paniers, et le déluge de choux, de carottes, de navets recommençait. Les Halles débordaient. Il essaya de sortir de ce flot qui l’atteignait dans sa fuite ; il tenta la rue de la Cossonnerie, la rue Berger, le square des Innocents, la rue de la Ferronnerie, la rue des Halles. Et il s’arrêta, découragé, effaré, ne pouvant se dégager de cette infernale ronde d’herbes qui finissaient par tourner autour de lui en le liant aux jambes de leurs minces verdures. Au loin, jusqu’à la rue de Rivoli, jusqu’à la place de l’Hôtel-de-Ville, les éternelles files de roues et de bêtes attelées se perdaient dans le pêle-mêle des marchandises qu’on chargeait ; de grandes tapissières emportaient les lots des fruitiers de tout un quartier ; des chars à bancs dont les flancs craquaient partaient pour la banlieue. Rue du Pont-Neuf, il s’égara tout à fait ; il vint trébucher au milieu d’une remise de voitures à bras ; des marchands des quatre-saisons y paraient leur étalage roulant. Parmi eux, il reconnut Lacaille, qui prit la rue Saint-Honoré, en poussant devant lui une brouettée de carottes et de choux-fleurs. Il le suivit, espérant qu’il l’aiderait à sortir de la cohue. Le pavé était devenu gras, bien que le temps fût sec ; des tas de queues d’artichauts, des feuilles et des fanes, rendaient la chaussée périlleuse. Il butait à chaque pas. Il perdit Lacaille, rue Vauvilliers. Du côté de la Halle au blé, les bouts de rue se barricadaient d’un nouvel obstacle de charrettes et de tombereaux. Il ne tenta plus de lutter, il était repris par les Halles, le flot le ramenait. Il revint lentement, il se retrouva à la pointe Saint-Eustache.


photographie : les travaux engendrés par la construction du tramway, Porte de Montreuil

lundi 5 mars 2012

Trajet de Corentin

Mon réveil est souvent chaotique.
Tous les matins, quelques minutes après mon réveil, je commence le monotone chemin du lycée.
La première étape de mon périple passe par une boulangerie qui m’aide à émerger avec une odeur de pain au chocolat, puis j’arrive devant une maison dans un état délabré entourée d’échafaudages. Quelques centaines de mètres plus tard j’arrive à un carrefour qui a failli m’emporter plus d’une fois, puis je passe devant un stade de terre battue où j’avais l’habitude de jouer au foot étant petit. Enfin la dernière étape passe par les grands pêchers, une cité où mes profs m’ont formellement déconseillé d’aller.

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Commentaire sur la photographie choisie :

Si j’avais une photo à prendre, ce serait la grande route droite avec la maison abîmée sur la droite et le parc de Beaumont au fond avec un grand écriteau en bois au-dessus de l’entrée.

Trajet de Najwa











Ce matin, je me réveille à 5h45 toute endormie. Je sors de chez moi à 6h15 pour prendre le RER C à 6h22, j’me place bien devant pour prendre la première porte du troisième wagon entre Epinay sur Seine et Genevilliers. Je vois la Seine avec l’île Saint-Denis au milieu.


La photographie a été prise par Najwa sur son trajet.

Trajet d'Ali

Le matin je sors de chez moi. Je suis endormi, je vois des phares qui m’éblouissent puis j’aperçois Jérémy posté à l’arrêt de bus, on rigole bêtement en se disant bonjour puis on part. Quand j’arrive au lycée il fait encore nuit et froid.

Trajet de Jordan

Tous les matins quand je me lève pour aller en cours j’ai la tête dans le cirage.
Je passe dans les petites rues, par les maisons, l’endroit est sinistre, c’est calme.
J’arrive à la gare. Des fois y’a des nuls qui me font louper mon bus vu qu’il y en a qui marchent au ralenti à la gare alors qu’il y a pas beaucoup de monde. Des fois je crie pour qu’il avance : « Passez la deuxième vitesse ! »
Dans le bus y’a des jeunes, y’a des gens qui regardent de travers, on dirait qu’ils voient un extraterrestre.
Je passe par une école maternelle où les travailleurs des fois me parlent mal, ça me donne envie de les planter.

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Commentaire sur la photographie choisie :


Ce que je prendrais comme photo, ce qui me choque, c’est que des personnes âgées qui ont du mal à marcher doivent aller travailler, alors pour nous, ça va être comment, vu qu’on va travailler plus vieux ?

Trajet de Jeyson

Ce matin je sors de chez moi, j’allume ma cigarette et en allant prendre le train, je vois le stade de la Motte et ça me fait penser à des souvenirs comme quand je jouais au foot avec mon club, à chaque fois on gagnait, et juste à côté je vois l’hôpital Avicenne, ça me fait peur. J’étais obligé de passer ici quand je passais à côté. Je voyais les malades en chaise roulante et ça sentait les médicaments aussi. Et quand je prenais le tram, je voyais le collège, ça me faisait penser aux bêtises que j’avais faites et la cantine était infecte. Dans le bus, c’était rempli mais j’étais content parce que je voyais des jolies filles, je leur faisais des clins d’œil en descendant du bus. Je voyais les guichetiers qui donnaient à tout le monde des journaux « Direct Matin ».


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Commentaire sur les photographies choisies

Si je devais prendre une photo, ce serait les guichetiers : ils ont le nez rouge, les mains gelées et bleues, et ils sont frigorifiés.
Si je devais prendre une autre photo, ce serait le stade, quand je rentre on dirait que le stade est infini.

Trajet de Baworn


Entre dans le train, à l’intérieur du train il y a des chaises libres mais je n’ai pas envie de m’asseoir car pour sortir après c’est un peu compliqué.
Le matin, je regarde à travers la vitre et j’aperçois la forêt noire ou le soleil se lever au-dessus de la grande ville.
J’entends la dame qui annonce la destination du train tous les jours presque et je l’ai appris par cœur sans m’en apercevoir !!
Dans le bus 122 je m’assois toujours à côté de la porte de sortie, comme ça quand j’arrive je sors directement. Et voilà il y a une personne qui vient et s’assoit à côté de moi tous les matins.
Dès que je vois le lycée je me dis « Bon bah je suis arrivé à destination ».


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Commentaire sur la photographie choisie :

Je cadrerais le soleil se lever sur la ville. Le soleil se lève, soleil qui brille avec les oiseaux qui volent. Le soleil se lève et cela crée un contraste entre l’ombre et la lumière.

Trajet de Kevin

Je passe devant la sous-préfecture : un grand jardin y mène, un jardin non utilisé, que de l’herbe. Devant le portail encore fermé à 6h45, des gens sur une centaine de mètres à attendre l’ouverture de la préfecture. Et l’immense drapeau français.
Le chemin entre le 602 et le 121 : le 602 arrive à la gare, les gens se bousculent car leur train est à quai. Le passage de la gare est compliqué, le marché le mardi et le jeudi gêne le passage. Arrive au château pour prendre le 121 mais voir le bus partir devant soi, attendre le suivant.
Passage du bus à la gare de Bois Perrier : le bus blindé arrive à la gare, le bus se vide mais se remplit encore plus. Après une ligne droite de 500 mètres qui dure longtemps.
Arrivée au lycée : le bus s’arrête à 500 mètres du lycée. Il faut se trouver un chemin pour sortir du bus. La longue ligne droite pour aller au lycée est longue, surtout quand il fait froid.

Premier exercice : de chez soi au lycée, un trajet en cinq étapes














Après une première rencontre, nous avons, avec la classe d'Hélène Hauville, professeur de lettres, évoqué nos trajets quotidiens, de chez soi au lycée horticole de Montreuil, lors d'un atelier où j'ai lu des extraits de Paysage fer de François Bon, tout en mentionnant d'autres textes dans lesquels le déplacement tient une place particulière. 
Ensuite, j'ai demandé aux élèves de décrire leur trajet, qu'il soit long ou court, à pied, en RER ou en autobus, en cinq étapes ; d'y associer une image, une sensation, un souvenir, ou encore une personne rencontrée sur le parcours ; enfin, de décrire la photographie qu'ils auraient prise s'ils avaient pu écrire "en direct", dans la rue, munis d'un appareil-photo. Vous trouverez ci-dessus les textes qu'ils ont bien voulu me confier.